Week-end à Lundy

Week-end à Lundy : ponies sauvages et château médiéval nocturne

J’ai atterri à Lundy et rencontré les poneys sauvages. J’ai ensuite passé une nuit inattendue dans le château du XIIIe siècle.

« C’est un peu serré là‑dedans, » dit l’agent de l’héliport en nous préparant pour l’hélicoptère. Il n’y a pas beaucoup de place pour les pieds. Nous sommes assis à l’héliport de Lundy, dans une salle d’attente qui ressemble étrangement à une maison des scouts, les murs couverts de panneaux informatifs sur la conservation — une politique zéro‑rat pour protéger les oiseaux marins comme les macareux bien‑aimés de Lundy, une explication sur les migrations de requins et, bien sûr, une petite section consacrée aux poneys de Lundy. En regardant les quelque 40 personnes attendant un hélicoptère, on se demande rapidement quel facteur les a le plus attirées sur cette île britannique isolée ; sont‑ils aussi intrigués par les poneys ?

Arrivée en hélicoptère et premières impressions

Les groupes de six sont appelés et conduits d’un pas ordonné vers la porte ouverte de l’hélicoptère. L’hélicoptère numéro cinq est déjà parti ; nous sommes le groupe numéro six. L’embarquement se déroule rapidement : le bâtiment des bagages pèse nos sacs, l’embarquement prend environ cinq minutes, puis un rapide ravitaillement et l’appareil est prêt. Attachés et équipés d’un casque‑micro pour communiquer avec le pilote, nous franchissons le canal en seulement six minutes et atterrissons sur Lundy, prêts à traquer la race rare de chevaux sauvages de l’île.

Les poneys de Lundy ont été introduits en 1928 dans le cadre d’un projet privé de conservation de l’ancien propriétaire de l’île, Martin Coles Harman. Il a expédié quarante‑deux juments et poulinières New Forest depuis le continent et les a laissées paître librement sur l’île. En 1930, il a importé un étalon Welsh Mountain de couleur alezan panaché ; l’un des fils de l’étalon, un poney de robe dun nommé Pepper, ressemblait beaucoup au personnage animé Spirit of the Cimarron et a pris la place de chef du troupeau. C’est grâce à Pepper, m’a‑t‑on dit, qu’il existe aujourd’hui une longue lignée de poneys duns sur l’île.

Harman a vécu paisiblement avec son troupeau, la seule mésaventure poney‑liée étant une légère surpopulation pendant la Seconde Guerre mondiale, quand des poneys en excès ne pouvaient pas être rapatriés sur le continent. L’histoire de Lundy a vraiment changé après la mort du fils de Harman, Albion Harman, en 1969 ; beaucoup s’inquiétaient de savoir qui reprendrait la succession sans héritier direct. Heureusement, le National Trust a pris en charge l’île et la National Pony Society a assumé la responsabilité de l’avenir des poneys de Lundy. Le reste, comme on dit, appartient à l’histoire.

Lors de ma visite en décembre, emmitouflée dans un gros manteau contre la brise, je marche directement depuis l’héliport à travers le village vers le « quarter wall », l’endroit où les poneys sont réputés se rassembler. J’ouvre une vieille porte métallique qui sépare le village de la lande et tombe immédiatement sur un groupe de cinq poneys. Les voir paître d’un air apathique alors que je me tiens à quelques mètres seulement soulève la question de savoir à quel point ces poneys sont vraiment « sauvages ». Pour confirmer mes impressions, une jument dun aux yeux vairons — un œil bleu, un œil marron — me regarde puis se couche pour faire une sieste ; son indolence est contagieuse et je m’assois à côté d’elle pour lui gratter l’encolure tout en observant les autres juments.

Les trois bai et l’autre dun paraissent assez âgés mais en bonne santé ; les poneys de Lundy n’ont pas de prédateurs naturels et sont habitués aux randonneurs, ce qui explique leur comportement décontracté, surtout à un âge avancé de plus de vingt ans. En me dirigeant vers la côte, je descends un escalier de pierre boueux et remarque des empreintes de sabots qui prouvent que les poneys empruntent ces marches eux aussi : l’agilité du troupeau est admirable. Plus loin, le long d’un sentier herbeux sur la falaise, des chèvres de montagne à barbes et cornes enroulées dépassent des rochers comme si elles posaient pour un shoot photo — qui est interrompu par un cri perçant.

Surpris, je lève la tête et découvre un troupeau de cerfs sika japonais m’observant du haut des falaises, à environ cent mètres au‑dessus ; la scène fait très « Bambi ». Le goût éclectique de Harman pour la faune est manifeste. Le reste de ma randonnée s’avère plutôt infructueux côté rencontres équines : je confonds des corbeaux si grands avec des silhouettes humaines sur une falaise lointaine, je croise un troupeau de bovins Highland et j’entends encore quelques cris de cerfs, qui ne se montrent jamais à découvert.

Après avoir fait le tour de la pointe, je reviens à la porte et, ironiquement, c’est là que se tient le reste du troupeau : clairement les jeunes et les juments d’âge moyen. La dynamique du groupe est plus tendue, des juments se poussant tour à tour dans des démonstrations de dominance ; je note mentalement qu’il vaut mieux éviter les dents et les sabots. Un petit poulain dun me repère et vient au galop, les oreilles pointées en avant, comme pour me saluer ; c’est le premier mâle que je vois et il est curieux et sociable. Mais notre interaction est brève : une jument alezane panachée arrive et lui donne un coup de dents sur le postérieur, message clair de « va‑t’en ».

De l’autre côté du troupeau, une petite jument baie s’approche, renifle mon visage et montre de la curiosité et de l’affection pendant environ une minute, jusqu’à ce que la jument alezane panachée revienne, oreilles plaquées, et éloigne la petite baie en me lançant ensuite un regard peu amène. Je comprends le signe et lui dis mentalement « message reçu » avant de retourner au village. Après environ trois heures de randonnée et d’observation du troupeau, mon estomac commence à réclamer à manger.

La Marisco Tavern du XIXe siècle m’appelle avec la promesse de fish and chips et d’une pinte de Cornish pale ale. En attendant mon repas, je remarque un grand classeur bleu intitulé « Lundy Ponies — Sponsorship » contenant les photos de chaque poney ainsi que tous leurs détails : nom, date de naissance et lignée. Le poulain dun amical s’appelait St. John, la petite jument baie s’appelait Fiona et la cheffe — la jument alezane panachée — s’appelle Tibbets Anne, née en 2019. Lire ces fiches en sirotant une boisson fraîche et le ventre plein est un petit plaisir appréciable.

Si vous visitez Lundy entre avril et septembre, vous pouvez rentrer en ferry vers le continent, mais en décembre aucune traversée n’ose braver le chenal et les côtes déchiquetées de Lundy. Je me retrouve donc coupée du continent pendant trois jours, le prochain hélicoptère n’étant programmé que pour lundi. En attendant, je prévois de dormir dans un château du XIIIe siècle commandé par Henri III à titre de poste pour réprimer une révolte sur Lundy — une option d’hébergement assez excitante, même si l’électricité est coupée entre minuit et 6 h. En demandant au barman comment m’enregistrer, il me répond simplement : « Sortez du pub et tournez à gauche, les clés sont dans la porte, c’est le grand château — vous ne pouvez pas le manquer. »

Le lundi me semble arriver bien loin, et je ne doute pas que je reviendrai passer du temps avec le troupeau demain. Peut‑être réussirai‑je à me lier d’amitié avec Tibbets Anne pendant ce laps de temps. Ou peut‑être pas : elle a un rôle à jouer et, pour l’instant, notre relation semble un peu à sens unique.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *